Une catastrophe s'était abattue sur l'administration fiscale en ce début d'année 2008. La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) jugeait en effet contraire à la Convention européenne des Droits de l'Homme la procédure de visite et de saisie prévue à l'article L16 B du Livre des procédures fiscales, plus couramment appelée "perquisition fiscale".
Beaucoup l'ignore, mais l'administration fiscale peut, après autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention, pratiquer, accompagnée d'un officier de police judiciaire, des perquisitions dans les lieux où elles pensent pouvoir trouver des documents permettant de prouver une fraude : généralement dans l'entreprise visée, mais aussi au domicile de son ou ses dirigeants.
En réalité, l'administration se sert de cette procédure, pas seulement pour les fraudes avérées, mais dans tous les cas où il lui manque des éléments pour pratiquer des rectifications banales. Elle adore notamment cette procédure pour démontrer l'existence d'un établissement stable d'une société étrangère, c'est à dire d'un foyer d'imposition en France.
Le problème de cette procédure, outre qu'elle est utilisé à tort et à travers, c'est qu'il lui suffit d'une autorisation d'un juge (unique) et que la contestation de cette autorisation ne peut se faire que devant la Cour de cassation et pour des motifs de pur droit.
Autant dire, compte tenu de la technicité de la matière, que l'administration n'a aucun mal à démontrer au juge (ou à l'embrouilller) que la perquisition est in-dis-pen-sa-ble ! Le pourvoi en cassation est généralement sans espoir, le juge suprême considérant que le juge des libertés apprécie souverainement les éléments qui lui sont présentés par l'administration. Son incompétence en matière fiscale fait qu'en réalité sa souveraineté est très discutable...
Bref, en tout état de cause, il manque dans cette procédure au moins un degré entre le juge des libertés et la Cour de cassation, quelqu'un qui puisse vérifier les éléments de faits une deuxième fois.
Et c'est exactement ce qu'a relevé la CEDH le 21 février dernier en jugeant cette procédure contraire aux dispositions de l'article 6§1 de la Convention sur le droit à un procès équitable.
Et là catastrophe pour l'Etat ! Car cela signifie une irrégularité de toutes les procédures de perquisition fiscale, sachant qu'au-delà les procédures de redressement qui se fonderaient sur des éléments obtenus lors de telles perquisitions seraient également irrégulières... Cela signifiait aussi que la perquisition fiscale ne pouvait plus être utilisée telle qu'elle par l'administration.
Alors est-ce une vrai modernisation ou une simple mise en conformité avec une norme juridique supérieure, toujours est-il que le gouvernement a profité de la Loi de Modernisation de l'Economie pour colmater la brèche et prévoir une saisine, en 2nd degré de juridiction, du 1er président de la Cour d'appel compétente dans un délai très court de 15 jours afin de rendre le recours effectif.
Voilà la perquisition fiscale sauvée ! Reste à régler le sort des procédures antérieures qui en l'état actuel du droit sont toutes irrégulières. Nul doute qu'un volumineux contentieux se prépare...