Le régime fiscal au regard de la TVA des acquisitions intracommunautaires de moyens de transport neufs n'est déjà pas simple. Lorsqu'il se combine avec la réglementation sur les biens d'occasion, il devient très compliqué. Cette complexité génère d'ailleurs toute une série de fraudes, de la simple fraude "carrousel" à la plus subtile fraude à la TVA sur la marge.
Pour lutter contre cette situation, le législateur a imaginé de longue date la nécessité pour les importateurs de passer valider le régime de TVA auprès de l'administration fiscale avant d'avoir le nouveau certificat d'immatriculation du véhicule (qu'il s'agisse de voiture, de moto, de bateau ou d'avion).
Le certificat fiscal de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, appelé communément "quitus fiscal" est ainsi destiné, selon les termes mêmes de l'administration, à "garantir le respect des obligations fiscales qui incombent aux assujettis [...] réalisant des acquisitions intracommunautaires taxables de moyens de transport neufs ou d'occasion en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne" (Instr. 3 L-1-99 n°1).
En clair, il doit permettre à l'administration de vérifier à chaque importation que le régime de TVA correct à été appliqué et qu'aucune perte fiscal n'est à déplorer.
Ce certificat est un formulaire administratif qui doit être rempli par l'importateur en indiquant toutes les caractéristiques du moyen de transport en cause. Il doit être présenté à la recette des impôts dont il dépend accompagnée de la facture d'achat et du certificat d'immatriculation de l'ancien propriétaire.
Sur la base de ces trois documents, l'administration fiscale, après les avoir normalement vérifiée, appose son visa.
Du côté de l'importateur, le visa du certificat fiscal est donc une étape essentielle et préalable à l'utilisation du véhicule. Il lui permet également, en principe, d'être rassuré sur le régime de TVA qu'il a appliqué à l'opération, l'administration lui donnant ainsi quitus, c'est à dire normalement un accord.
Et c'est là que le bât blesse : l'administration fiscale refuse en effet de donner la moindre garantie quant aux effets de sa signature du certificat fiscal.
La réalité c'est qu'elle n'a pas mis les moyens (en tout cas pas partout) pour absorber le flux de demande de quitus fiscaux. Si elle réalise l'examen des documents qu'on lui présente dossier après dossier, elle bloquera l'importation de nombreux véhicules par la lenteur de l'examen et l'activité d'un certain nombre d'opérateurs économiques s'en trouvera entraver. Elle fait donc le choix de signer sans regarder, mais sans garantir non plus.
Et il lui arrive, assez pernicieusement, de revenir vers l'un de ces opérateurs pour contrôler a posteriori le régime de TVA que ce dernier a appliqué sur ses importations et qu'elle a, pourtant, en principe validé auparavant. Pour peu que l'opérateur en cause ait mis en oeuvre un régime inapproprié, il est susceptible de se voir notifier des rectifications considérables sur les trois dernières années, tout en étant de bonne foi. Le pire, c'est qu'en fonction des montants, l'administration va même jusqu'à lui imputer des manquements délibérés qui se traduisent par une pénalité de 40%.
S'il est tout à fait normal que l'administration puisse revenir sur un dossier pour le requalifier en fonction d'éléments qu'elle n'avait pas lorsqu'elle a apposé son visa, il est absolument insupportable pour une simple question de sécurité juridique qu'elle puisse disqualifier un régime appliqué sur la base des mêmes documents et informations que celles qui étaient en sa possession lors de la signature du quitus. C'est précisément d'ailleurs les conditions d'application de la garantie sur les prises de position formelle sur des situations de fait de l'article L80 B du Livre des procédures fiscales.
Pourtant, curieusement, aujourd'hui la jurisprudence est du côté de l'administration (cf. notamment CE 29 octobre 2008 n° 292894, 9e et 10e s.-s., SA Nord Distribution Automobile-SE et n° 292895, 9e et 10e s.-s., SAS Garage de l'autoroute-SE) et refuse d'accorder une quelconque protection à l'importateur détenteur des fameux quitus fiscaux. Elle laisse l'administration opérer des redressements sur des situations que celle-ci est pourtant censée avoir déjà validées.
Au fond de deux choses l'une : ou bien ce certificat fiscal a un rôle important à jouer, a priori celui qu'on lui a dévolu à l'origine, et il convient pour l'administration de mettre les moyens nécessaires à son bon fonctionnement, c'est à dire des fonctionnaires suffisamment nombreux pour opérer les vérifications nécessaires, la signature de l'administration garantissant alors correctement le régime de TVA appliqué ; ou bien ce certificat ne sert à rien parce que l'administration signe sans regarder et alors, il conviendrait de le supprimer purement et simplement. A quoi bon en effet mobiliser des ressources sans résultat !
Dans l'intervalle, la jurisprudence doit évoluer vers la reconnaissance des effets de la signature par l'administration du quitus fiscal. Elle poussera ainsi l'administration à opérer ses vérifications, car si elle refuse à l'administration la possibilité de rectification ultérieure, elle conduira nécessairement celle-ci à s'organiser pour mettre en oeuvre les vérifications a priori que réclame le certificat fiscal.