En matière de bénéfices industriels et commerciaux, l'administration fiscale peut établir un redressement du résultat fiscal de l'entreprise en prenant en compte, non le prix de vente réel, mais la valeur vénale des biens vendus. L'hypothèse est celle de ventes entre personnes liées, qu'il s'agisse de sociétés soeurs, détenues par des associés communs, ou d'une société et d'un de ses associés. C'est souvent le cas quand l'associé rachète par exemple sa voiture de fonction à sa société ou, pour un exemple plus conséquent, quand il rachète, lui ou une SCI de sa création, l'immeuble de la société.
Au cas où il aurait la tentation de sous-évaluer le bien, l'administration a cette possibilité de prendre en compte, pour la détermination du résultat fiscal de la société, la valeur vénale et, par exemple, de soumettre à l'impôt la plus-value qui aurait dû être constatée si le bien avait fait l'objet d'une transaction entre personnes tierces.
Il est arrivé que l'administration allant au-delà du simple redressement dépose plainte pour fraude fiscale, considérant la faiblesse du prix de l'immeuble et l'intention des associés d'éluder l'impôt dû par la société.
Or l'imposition est alors fondée, non sur un texte du Code général des impôts, mais sur la construction purement jurisprudentielle du Conseil d'État de « l'acte anormal de gestion » .
Le Conseil d'État répute ainsi acte de gestion anormal celui qui met une dépense ou une perte à la charge de l'entreprise ou qui prive cette dernière d'une recette sans que l'acte soit justifié par les intérêts de l'exploitation commerciale.
Autant cette définition peut se rattacher en matière de charge à l'article 39 qui ne permet la déduction des charges que dans la mesure où elles sont engagées dans l'intérêt de l'entreprise, autant en matière de produit, c'est-à-dire de renonciation à recettes, la définition est purement prétorienne.
Aucun texte du Code général des impôts ne prévoit qu'une société doive comprendre dans ses produits non seulement le prix des ventes pratiqués mais également la différence, si elle existe, entre ces prix et la valeur vénale des biens. Tant et si bien que la jurisprudence admet qu'une société facture des biens au prix de revient si l'acquéreur est une société du même groupe.
Ainsi le délit de fraude fiscale en cas de renonciation à recette ne repose pas sur un texte législatif.
La fraude en cause repose uniquement sur une construction prétorienne qui, certes peut s'appliquer en matière fiscale et, encore dans des cas bien précis, mais qui est en tout état de cause insuffisante pour s'imposer en matière pénale.
En effet, suivre cette voie reviendrait à condamner sans texte en contravention à un principe fondamental du droit pénal rappelé à l'article 111-3 du Nouveau code pénal.
Ainsi, la renonciation à recette, si elle peut donner lieu à un redressement, ne peut conduire, selon les grands principes de notre droit, à une condamnation pénale.