Les Etats et Territoires Non Coopératifs (dits "ETNC" dans le jargon fiscal) sont considérés souvent, et pas forcément à tort d'ailleurs, comme des paradis fiscaux. En réalité, ce qui les caractérise, ce n'est pas tant leur niveau d'imposition mais plutôt leur refus des standards internationaux en matière d'échange des informations fiscales. Ce sont des Etats "opaques" ou la coopération avec les administrations fiscales étrangères n'est pas de mise : pas de convention d'assistance administrative avec la France ou avec au moins 12 autres pays.
La France a pris, il y a quelques années déjà (loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009), des dispositions restrictives à leur égard :
- En matière de prix de transfert : renforcement des obligations documentaires (art. L 13 B du Livre des procédures fiscales) et pas d'obligation pour l'administration de démonstration d'une dépendance avec la société étrangère pour la mise en œuvre de ces dispositions (art. 57 du Code général des impôts - CGI) ;
- Les personnes physiques qui transfèrent des actifs à une entité située dans un ETNC sont taxés sur les revenus que cette entité perçoit, peu important à cet égard qu'elle en détienne plus de 10% comme pour les pays à fiscalité privilégié ; ces personnes sont d'ailleurs taxées sur 100% du résultat de l'entité, à moins qu'elles ne démontrent leur exacte participation (art. 123 bis du CGI) ;
- Certaines charges (intérêts, redevances, services) versées à une entité située dans un ETNC ne sont déductibles que si l'entreprise française est en mesure de prouver que, non seulement elles correspondent à des opérations réelles, mais aussi qu'elles ont principalement un objet et un effet autre que de permettre la localisation des dépenses dans cet ETNC (art. 238 A du CGI) ;
- Un certain nombre de retenue à la source ont des taux majorés fixés à 75% lorsque les revenus sont versés à un bénéficiaire situé dans un ETNC ; ainsi en est-il des retenues dues :
- sur certains revenus non salariaux (15% normalement) ;
- sur les revenus artistiques (15% normalement) ;
- sur les distributions de dividendes et assimilés (21% pour les résidents européens)
- sur les gains de levée d'option
- Un prélèvement libératoire de 75% s'applique au produit des placements à revenu fixe, au produit des bons de capitalisation et des contrats d'assurance-vie versés dans un ETNC
- Le régime mère-fille (exonération des dividendes versés sous réserve d'une quote-part de frais et charges) est exclu lorsque la filiale est établie dans un ETNC (art. 145 6 d du CGI)
- Les plus-values professionnelles réalisées sur les titres de société établies dans un ETNC ne peuvent bénéficier du régime du long terme (16% dans les entreprises à l'IR / exonération dans les entreprises à l'IS sous réserve d'une quote-part de frais et charge)
- Le prélèvement sur les profits immobiliers bénéficiant à des non-résidents est porté de 33,33% à 75% lorsque le bénéficiaire est établi dans un ETNC
- Les plus-values sur des titres de sociétés françaises réalisées par des particuliers résidents dans un ETNC sont imposables en France quel que soit le pourcentage de participation (au-dessus de 25% dans le cas général) au taux de 75%.
On le voit, l'arsenal est étendu et sévère : la plupart des profits réalisés par une personne ou entité situé dans un ETNC est taxé à 75% avant d'ailleurs que le profit ne s'envole (retenue à la source ou prélèvement dont l'établissement payeur est le redevable) !
Evidemment, vu l'enjeu, la question est de savoir quels sont ces Etats ou Territoires qui sont au mis ainsi au ban fiscal. La liste, révisée chaque année (en principe…), vient de subir sa dernière toilette par arrêté du 21 décembre 2015, avec une application rétroactive au 1er janvier 2015, cette fois dans le bon sens puisque la liste a été réduite de deux pays.
Le champ d'application de ces dispositions se réduit ainsi progressivement (c'était le but) pour peut-être bientôt disparaître… En effet, seuls désormais 6 Etats ou Territoires figurent encore sur cette liste. Il s'agit de : Brunei, le Botswana, le Guatemala, les Iles Marshall, Nauru et Niue.
Pour l'anecdote, ces trois derniers territoires sont des îles du Pacifique dont la plus grande mesure 22 km de long. Il vaut mieux utiliser Google Earth pour les trouver…